02 août 2006

Q->LV (3) L'eau

Voici le troisième chapitre* sur les différences entre le Québec et Las Vegas, traitant cette fois de la question de l'eau.

Je me la suis en effet posée avant même de partir: comment une ville d'un million et demi d'habitants, en forte croissance et construite en plein désert par dessus le marché, fait-elle pour s'approvisionner en eau potable? Et on ne parle pas de n'importe laquelle des villes, on parle de celle où tout est bâti pour attirer le visiteur, le dépayser et lui montrer la puissance de l'empire**. L'opulence ici est telle que le touriste en reste généralement bouche bée et d'après vous, qu'est-ce qui impressionne le plus en plein désert? Allez voir ici et comptez-les!

J'ai donc fait mes recherches afin de m'éclairer un peu sur le sujet qui, il faut l'avouer, m'inquiète légèrement.

Tout d'abord, j'ai découvert que la ville puise la majorité de son eau potable de la rivière Colorado, qui coule du nord vers le sud. À la jonction entre l'état de l'Arizona et du Névada, un barrage a été érigé dans les années '30 sous l'administration Hoover: le Boulder Dam, rebaptisé plus tard Hoover Dam. Ce barrage aux dimensions titaesques a donné naissance au lac Mead, un réservoir de 640 km² contenant environ 35 km³ d'eau, soit 35 milliards de mètres cube (1 m³ = 1000 litres).

On pourrait à prime abord penser que cette réserve est amplement suffisante pour alimenter une population comme celle de Las Vegas, mais certaines restrictions existent qui empêchent la ville de puiser dans ce bassin autant qu'elle le voudrait.

Il faut comprendre que le lac existe pour générer de l'électricité via le barrage. On sait que la quantité d'énergie produite est directement proportionnelle à la pression d'eau, qui elle est proportionnelle à la hauteur du lac. Ainsi, si le lac se vide trop, on est peut-être riche en eau mais on devient pauvre en électricité.

Il y a ensuite la question du débit de la rivière: pour garder le lac à une certaine hauteur, on ne doit pas en retirer plus d'eau qu'il en arrive. Ainsi, les autorités en gestion de l'eau on imposé une limite d'approvisionnement de 0,37 km³ par année, ce qui bien moins que le débit de la rivière mais qui tient compte que Las Vegas n'est pas la seule ville à puiser son eau de la Colorado.

Or, selon les statistiques, la consommation d'eau à Las Vegas est, tenez-vous bien, de 870 litres par personne par jour! Cela fait environ 320 000 litres par personne par année, un consommation totale de 0,48 km³ par an, un chiffre bien en dessous du 0,37 km³ fournis par la rivière (la différence en litres est de 110 milliards par année).

Alors d'où vient le reste de l'eau? Comme le pétrole, elle vient du sous-sol. Et là, le débat ne fait que commencer. Alors que certains soutiennent que l'aquifère de la vallée de Las Végas contient des milliers de km³, d'autres s'opposent à une exploitation sans restriction et tiennent à préserver cette ressource naturelle qui n'a pas encore fait l'objet de profondes études scientifiques.

Mais la solution de puiser dans cette eau souterraine est peu coûteuse alors que les alternatives le sont plus. Une de ces alternatives consisterait à construire une usine de désalinisation en Californie, entièrement payée par l'état du Névada, libérant ainsi pour Las Vegas les quotas d'eau californiens de la rivière Colorado. Cette solution qui semble avoir du potentiel mais coûterait vraisemblablement plus cher et demanderait des efforts de collaboration plus importants que si le Névada ne faisait que creuser des trous.

Conséquemment, l'exploitation souterraine a la main haute en ce moment et cette industrie, voulant capitaliser sur ce filon, ne cesse de s'étendre. Stratégiquement, la National Groundwater Association, un groupe d'industriels qui semble à prime abord avoir de bonnes bases écologiques (à vérifier), tient sa prochaine conférence annuelle ici même, à Las Vegas! J'espère que ça sera pour le meilleur et non pour le pire.

Alors, Québec, profitez bien de la bonne eau qui descend de vos montagnes. Cette ressource qui paraît aujourd'hui intarissable vaudra demain de l'or!


* Lisez les chapitres 1 et 2 à votre convenance.

** J'argumente que Las Vegas, comme New York, Berlin, Constantinople, Rome, Athènes, est une ville-monument qui sert en partie à montrer la puissance d'un empire à son apogée.

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Entékâ, elle vaut déjà bien de l'argent aux yeux des entreprises qui l'embouteillent chez nous, sans avoir à la payer. Ce qui en fait pour elles une affaire en or !

Unknown a dit...

@spiegel sandgirl: N'y avait-il pas eu à une certaine époque un document sur la politique de l'eau au Québec? Tu l'as lu? Il me semble que c'était supposé aider justement à ne pas se faire trop exploiter. Je me demande bien où c'est rendu cette histoire...

Anonyme a dit...

Pour ce que j'en sais, les entreprises qui embouteillent notre eau ne la paient d'aucune façon. On les a seulement tenu à embaucher des gens d'ici, je crois, et peut-être à avoir un siège social au Québec, mais je ne pense pas qu'il y ait rien au-delà de ça. Ce qui est proprement scandaleux de la part de nos gouvernements qui agissent là de la même manière qu'il en a été pour l'exploitation de nos forêts.

Pour en savoir plus sur le dossier de l'eau dans toutes ses grosseurs, la Coalition Eau Secours : http://www.eausecours.org/