Deuxième épisode - deuxième partie
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Lorsqu'on est une athlète de calibre, la fin de sa carrière d'une manière moins que triomphale occasionne bien des soucis. Nancy n'a jamais voulu sombrer dans la déprime et son cerveau encore sous le choc s'est vite mis en marche pendant même que son cou était soutenu par un carcan de métal, version du collier cervical qui tient plus de l'appareil de torture du moyen-âge que du support orthopédique à la fine pointe. C'était clair que les sports d'impact étaient désormais hors de portée et cela signifiait à son grand désarroi qu'elle ne pratiquerait plus ni plongeon ni gymnastique.
Mais l'éventail des sports est infini et si le curling ne l'enchantait guère, elle fixa son esprit sur l'aérobie et le conditionnement physique. Et puis comme Nancy acceptait rarement un défi sans qu'il n'y ait au bout un objectif concret et mesurable, elle se mit dans la tête de s'inscrire à une compétition de fitness, un défilé de danse aérobique qui se déroule sur scène.
On a fini par lui enlever son support cervical et, malgré les mises en garde de ses proches, elle s'est mise à l'entraînement, une succession de cours de danse et d'exercices de musculation pour raffermir ses membres qui venaient de passer des semaines au repos.
C'est aussi à cette époque que Nancy s'est placée comme ingénieure dans une firme de Mont St-Hilaire. Le rêve de gagner sa vie en tant que voltigeuse venait de prendre un sérieux pas de recul car en elle à ce moment était forte la conviction qu'un jour elle reprendrait sa place sur la scène. Malgré toute l'évidence du contraire qui la suivait partout, les maux de cou, les engourdissements dans les bras, la perte de flexibilité associée à la fusion de trois vertèbres, dans sa tête prenait forme ce rêve qui allait guider ses pas pour les dix années à suivre. Sa résolution était de titane, du même métal que la plaque qui soutenait ses vertèbres.
Le jour ingénieure civile, elle concevait des structures d'acier et le soir, elle s'entraînait de plus belle en vue de la compétition qui approchait. Sa remise en forme tenait du miracle, dans l'espace de quatre semaines son corps avait repris ses proportions normales et son système cardio-vasculaire amenait plus d'oxygène à ses muscles que jamais auparavant. Je me permets une parenthèse sur la mention "proportions normales" qui pour Nancy s'avèrent être bien au-dessus de la moyenne. Un petit bras de fer quelqu'un?
La jour de la compétition, j'étais assis dans la salle, souffrant le spectacle des culturistes qui passaient avant et qui me faisaient rougir de honte d'être dans la salle. Lorsque son tour est arrivé, j'ai vu une Nancy très nerveuse se déchaîner sous la musique de ZZTop. Elle a fait quelques erreurs techniques, elle a oublié une grosse partie de sa routine, mais son énergie était telle qu'elle s'est tout de même classée troisième et a mérité le bronze pour la grande régions de Montréal. C'était en mai 1996, trois mois après sa première opération, 6 semaines après sa deuxième. À mes yeux, cet exploi venait confirmer que la vie de Nancy était loin d'être terminée. Elle n'a toutefois pas voulu continuer les compétitions de danse aérobique, jugeant toute l'affaire trop quétaine.
Lorsqu'on a connu la scène, les acclamations du public et la vie de bohème, le travail de bureau n'est jamais vraiment satisfaisant. C'est pourquoi la venue de notre Sam à la fin de 1998 a été un énorme soulagement. Le congé de maternité est malheureusement passé trop vite et Nancy s'est astreinte à retourner au travail, déchirée comme tant de mère aujourd'hui entre le désir de faire fleurir sa carrière et celui de rester à la maison et s'occuper de son bébé. Nous sommes alors entrés dans le moule des gens ordinaires de la classe moyenne: la maison, la garderie, les deux voitures. Avec ça le stress, le surmenage et la déprime.
Le soir nous avions ce genre de discussions sur l'oreiller:
"Si seulement je pouvais me faire repêcher par le Cirque du Soleil, j'adorerais retourner dans le monde du spectacle, disait-elle
"Et ton cou Nancy, tu penses que tu pourrais tenir le coup?"
"Je ne sais pas, des jours je me dit que oui et d'autres, je ne vois pas comment je vais y arriver. Je suis malheureuse dans un bureau, c'est morne et triste, ce n'est pas moi."
"Tu pourrais rester à la maison si tu voulais, on n'a qu'à vendre la maison et on pourrait vivre sur un seul salaire. Tu pourrais te monter un numéro."
"Oui, c'est vrai, mais j'aime aussi notre maison, c'est un beau quartier pour élever Sam. J'aimerais un autre bébé ici."
Et nous continuions de tourner en rond sur les même sujets, n'arrivant pas à trouver comment faire se réaliser ce rêve qui devenait de plus en plus persistent. Pounne est arrivée en mai 2001 et en juin, je perdais mon lucratif emploi avec Nortel. J'ai rebondi dans une plus petite firme que je n'aimais pas et mon niveau d'énergie a chûté aussi vite que le prix des actions de mon ancienne firme.
Au même moment, notre petite a fait quelques épisodes de cyanose, où son corps devenait bleu et elle hurlait à s'en déchirer les poumons. Nancy devait retourner travailler et cette fois le dilemme lui tiraillait les entrailles plus que jamais. Le stress nous sortait par les oreilles et nous avons sombré dans un malheur intense et persistent, impossible à cerner, impossible à conquérir.
Nos conversations se poursuivaient:
"Je pense que nous devrions vendre cette foutue maison, disais-je. C'est elle qui nous rend comme ça."
"Comment?"
"Nous devons la payer, donc nous avons besoin de deux salaires, donc tu dois travailler dans un emploi moche au lieu de t'entraîner. Si on vend, on brise le cercle et on s'en sort."
"Tu crois? Je n'en suis pas si certaine."
"Il faut qu'on se dirige vers l'objectif et ce n'est pas en restant prisonniers de ces bouts de bois que nous allons pouvoir le faire. Il faut changer de milieu, c'est définitif!"
Et c'est ce que nous avons fait.
La maison a été vendue.
Nous avons acheté un petit condo pas cher.
Nancy s'est arrêtée de travailler.
Et du même coup, le soleil s'est levé à nouveau sur cette famille. Nous n'avons jamais regretté cette décision. Dans notre nouveau logis, Nancy a pu remplir son désir de mère sans stress. Nous avions plus d'argent que par le passé et plus de temps pour en profiter. Dans notre nouveau quartier, étions près des parents de Nancy qui n'ont jamais hésité à nous donner un peu de relève. Nous nous sommes fait de nouveaux amis, les Arjona, de bonnes personnes avec de superbes enfants qui sont vite devenus les meilleurs copains de nos petits. Tranquillement, la vie s'est replacée et les trois années où nous avons vécu dans notre condo ont sans contredit été les meilleures et les plus heureuses qu'il nous ait été donné de vivre.
À quelque part dans un coin de la tête de Nancy, cette tête supportée par un cou fracturé qui ne semblait plus causer de problèmes et qu'on aurait dit complètement guéri, continuait de germer son rêve, il prenait racine et arrivait à s'épanouir dans son esprit libéré de tout tracas.
Puis un jour, elle est passée à l'action.
------------------ Fin de l'épisode
Note: J'avais parlé de trois épisodes à venir dans mon billet du 11 septembre. Il en reste un seul, probablement en une seule partie cette fois. Merci à ceux qui sont restés jusqu'ici!
21 octobre 2006
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5 commentaires:
Merci et j'ai hâte de connaître la suite et la presque fin!!!
Car votre histoire n'a pas de fin, elle continuera même après la fermeture du blogue!!
Merci de partager votre histoire car elle me permet de comprendre que le courage peut prendre plusieurs formes!!
J'ai hâte de lire la suite et ca va être quand????? ;)
Oulà. Impressionnant, encore.
Debout devant l'adversité...
Votre histoire, puisque vous y êtes tous les deux, est à la fois intime et universelle ; on s'y sent voyeur et vainqueur. Les parallèles sont faciles, et à la fois impossibles.
Et tu la racontes magnifiquement bien...
DÉjà, le dernier tome qui vient...
Dear Burt ....
Thanks for sharing your story ... it always warms my heart.
Sending you all lots of love (by the way, howz the kids' English coming along?)
With love
Lynn XOXO
C'est une belle leçon de vie; de briser le cercle pour enfin vivre sa vie, etc.
@haska: comme tu as raison, l'histoire se poursuit... la suite samedi soir probablement.
@mat: j'apprécie vraiment ton opinion matoue, merci!
@mommy: kids! so fast, it's a beautiful thing to watch them.
@sara: ça rend la vie tellement excitante qu'on se cherche volontier d'autres cercles à briser.
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