C'est la vitesse à laquelle je roulais sur la 95 nord, dans la voie de droite, relativement lentement comparé aux "trucks" des gros et puissants américains.
C'est aussi la température qu'il faisait, un bien rondelet 43 degrés dans l'échelle de Celsius, le tout amplifié par la chaussée qui semblait vouloir réclamer le caoutchouc de mes pneus.
Je savais que le trafic allait ralentir dans quelques kilomètres, je profitais des derniers instants où je pourrais laisser circuler un peu d'air dans les systèmes de refroidissement que sont ma poitrine et le radiateur de la Suzuki. Bientôt, j'en aurais pour un quart d'heure à passer de la première vitesse à la deuxième à la première, un rythme si bien appris que me pensées pourraient vagabonder un temps soit peu, tout en gardant un oeil vigilant sur les réalités de la route et des moindres mouvements suspects.
La ligne des voitures devant moi se mit à rougir de l'arrière train, comme un défilé de guenons en oestrus. Trop tôt! Ce doit être la rentrée scolaire, me dis-je en me rappelant les modèles de trafic de Montréal et en les extrapolant dans la ville des plaisirs. Le bouchon aujourd'hui prendrait vingt, peut-être vingt-cinq minutes à passer et c'est à ce moment que j'entrai dans un mode réflectif, pensant à mon blogue qui bogue, à mon deuxième blogue que je viens tout juste de démarrer, pensant au premier jour de classe de Sam et Pounne dans une semaine, à Pixman, au Cirque et à ma Vegas-Showgirl préférée.
Puis c'est là que je l'ai vue. Une inconnue. De loin, elle ne semblait pas porter de vêtements.
De près, elle était nue sur le bord de l'autoroute, comme sortie d'un vidéoclip. Sa peau était intégralement bronzée, sans marque de vêtements, comme si elle arrivait d'un pélerinage dans le désert dans son appareil le plus simple. Sa taille était mince, la peau de son ventre lisse et couleur de cuivre, trahissant un corps dans la jeune vingtaine. Elle souriait de dents blanches et alignées, ses cheveux noirs et mi-longs ressemblaient à un de ces buisson tordus du désert. Sous son visage sale de poussière se cachaient tout de même des traits ravissants.
Sur le bord de l'autoroute aujourd'hui se tenait une très belle jeune femme nue.
J'ai tourné la tête pour la regarder, surpris et troublé. Elle m'a vu, haut-perché et exposé sur ma bécane, elle m'a suivi du regard en tentant de voir mes yeux à travers mon masque teinté. Elle m'a fait signe en joignant les mains dans un geste universellement reconnu, celui qui implore la pitié. Si ce n'était de sa nudité, aucun de ses gestes en d'autres circonstances n'aurait été considérés comme provocants ou vulgaires.
C'est la dernière chose que j'ai vu d'elle. Comme par magie, le bouchon de circulation s'est défait, les voitures se sont mises à accélérer, j'ai perdu son image dans un miroir secoué par les vibrations du moteur. Le tout n'a duré que dix secondes.
Je n'ai pensé à rien d'autre pendant le reste du trajet. Pourquoi ai-je continué sans m'arrêter? Les femmes nues ne se tiennent habituellement pas aux abords des voies rapides, que faisait-elle là? Voulait-elle de l'argent? Essayait-elle de piéger un pauvre diable attiré par sa beauté et sa jeunesse et son apparente vulnérabilité? Était-elle vraiment en détresse, son geste de pitié sincère et désespéré?
À cent dix degrés, à cent dix à l'heure, cent dix questions à cent dix million.
Vous auriez fait quoi vous?
2 commentaires:
Oups, je pense que Nancy n'a pas apprécié le billet, je me demande pourquoi ;)
bah, c'est ton blog et tu y met ce que tu veux.
Pour ma part j'avoue que c'est bizarre comme situation.
Le plus bizarre c'est qu'avec toutes ces voitures aucune ne se soit arrêté. Je en sais pas ce que j'aurais fait, avoir un cellulaire j'aurais probablement appellé l'ambulance ou un truc comme ça.
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