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Il savait que l'après-midi serait réservé à la piscine et son seul regret était de ne pouvoir en profiter lui-même puisqu'il devrait garder un oeil sur les quatre enfants à sa charge. Les deux siens chialèrent de ce contrecoup tandis que les deux autres ne comprenaient pas la raison de leur désarroi.
La compagnie enfila ses maillots bigarrés et se badigeonna de crème rétro-UV avant de franchir la porte dans un dernier élan de hardiesse avant d'atteindre l'eau salvatrice. L'affluence y était légère en ce jour de semaine où les weekenders se baignaient dans leur air corporatif respectif dont les BTU avaient été arrachés et crachés de notre côté du mur. Un gros homme était étendu dans sa chaise et faisait la conversation à son appareil mobile qu'il changeait continuellement de main pour laisser le temps à ses paumes de sécher. Une dame surveillait deux enfants qui n'étaient visiblement pas les siens mais se ressemblaient jusqu'à la coupe de cheveux typique des plages de la Californie: trop longs.
Il se choisit une place où il pourraient bien les observer et libéra ses quatre marsouins qui se jetèrent à l'eau comme autant de bombes propulsées par la chaleur du ciment sous leurs pieds. Les rires déferlèrent comme de grosses vagues de surf, attirant l'attention des Californiens qui allaient devoir battre en retraite sous les demandes insistantes de leur gardienne qui avait pris assez de soleil.
Quelques minutes après leur départ, un nouveau groupe se montra le nez. Trois adolescents sautèrent par-dessus la clôture de l'enceinte après avoir fait subir le même sort à leurs skates battus et abusés par de longues heures au halfpipe.
Le gros homme ne sembla pas les remarquer tandis que l'autre se trouva contrarié de voir ces jeunes se ficher du respect de la propriété privée et de faire leur cet endroit habituellement réservé aux tenanciers du lieu. Il ne dit pourtant rien.
Les skaters se débarrassèrent de leur vêtements, conservèrent leurs boxers qu'on n'aurait jamais pu méprendre pour des maillots de bain. Le gros homme ne remarqua rien. L'autre eut une pensée qui se résumait en un seul mot: idiots. Pourtant il ne dit rien.
Près de la piscine se trouvaient un amas de rochers empilés pour créer une petite cascade pittoresque. Un des idiots monta sur les rochers et se jeta en bas, frappant l'eau près de la marque de peinture qui annonce de ne pas plonger dans un mètre de profondeur. Le gros homme changea son téléphone de main et continua à parler. L'autre vit dans son esprit un mot s'ajouter devant le premier: christ d'idiots. Il garda pourtant, une fois de plus, le silence.
Un des imbéciles eut ce qui devait lui paraitre comme une idée de génie. Il empoigna une chaise aux abords de la piscine et se lança à l'eau avec. Une fois au fond, il décida de s'assoir dessus en attendant l'approbation simiesque de ses camarades qui ne tarda pas à venir. Le gros homme leur tourna le dos. L'autre se leva sec.
"Non!"
"Quoi? Je ne fais rien de mal..."
"Cette chaise va rouiller et deuxièmement elle est poussiéreuse. Ça ne va pas là. Sors de la piscine."
"Pourquoi?"
"Je viens de te le dire."
"Je ne fais rien de mal."
"Es-tu bouché, garçon? Enlève cette chaise de cette piscine."
La pression commençait à monter comme dans une bouteille laissée sous ce soleil accablant. L'homme au téléphone se tourna pour voir d'où venait cette commotion soudaine.
"Oui je suis bouché. J'aime ça être idiot."
"Ton choix, maintenant sors de là tout de suite."
"Non!"
"Quoi? Il n'y a pas de non, tu sors de là tout de suite où je me fâche."
Un des autre petits morveux lança pour les oreilles de son ami une phrase qui ressemblait à "heureusement que ton père n'est pas ici, il lui botterait les fesses."
Une autre vague déferla, cette fois de sang projeté contre les parois intérieures du crâne de celui qui tentait de rectifier l'insolence de ces jeunes punks. Sa tête sembla se gonfler, ses poings se serrèrent et il bondit en direction du plus petit qui venait de lancer cette phrase.
"À qui veux-tu botter les fesses," fit-il d'un air menaçant en pointant le petit du doigt. Celui-ci cafouilla en essayant de ramasser ses vêtements, bégaya en tentant de se défendre. L'autre pendant ce temps avait quitté son siège sous-marin et se dirigeait vers le bord de la piscine pour appuyer son compagnon en détresse. Le troisième, moins courageux, annonça à ses compagnons qu'ils devraient peut-être tous partir, tout-de-suite, maintenant, immédiatement. Le bouché sortit de l'eau et resta sur le bord, l'accès à ses vêtements bloqués par l'enragé qui se tourna et lui asséna une poussée.
"Toi tu retournes dans l'eau et tu vas me ramasser cette christ de chaise, compris?"
"Hé, ne me touches pas!"
Un voix de tonnerre éclata de par delà le grillage. Un homme immense qui promenait un chihuahua et qui avait vu toute la scène, pointait le doigt vers le groupe.
"Toi! Est-ce que ce garçon est ton fils?"
"C'est à moi que tu parles?" dit l'homme en colère.
"Oui! Ce garçon est-il ton fils?"
"Non..."
"Alors tu le laisses tranquille. On ne touche pas aux mineurs."
"Oui, c'est vrai ça, je n'ai que seize ans, tu n'as pas le droit de me toucher."
La chaleur monta d'un cran dans la tête de l'enragé. Il baissa les bras, dit aux enfants terrifiés qu'il ne surveillait plus depuis cinq bonnes minutes qu'il était temps de partir. Il demanda à son jeune fils de ramasser la chaise que l'autre clown avait laissée choir sur le sol bleu de la piscine. Ils prirent leur affaires et quittèrent sous les quolibets des trois adolescents qui criaient victoire.
La défaite lui resta longtemps sur le coeur...
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Mais vous, comment auriez-vous réagi?
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